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Yuan chinois : les dessous de la guerre commerciale

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7 décembre 2018

Written by
Bran Thévenet

External Relationship Manager chez Ebury

Dès la campagne présidentielle de 2016, le candidat D. Trump a lié la question du niveau du taux de change du yuan chinois au problème du déficit commercial américain. Pourtant, à rebours de la période 2003-2014, le yuan n’est plus considéré comme sous-évalué. En réalité, derrière la guerre commerciale brandie par l’administration américaine se cache une guerre des monnaies afin de maintenir l’hégémonie du dollar américain au sein du système monétaire international.

Depuis 2014, le yuan n’est plus sous-évalué

A partir de 2003, la Chine s’est imposée parmi les principaux pays manipulant leur monnaie afin de gagner en compétitivité. L’effet de soutien fut immédiat pour l’économie chinoise et s’est traduit par un impressionnant excédent commercial qui a atteint un point haut en 2007, à hauteur de 10% du PIB. Cependant, à partir de la dévaluation de l’été 2015, on observe un changement de paradigme drastique en Chine. Le pays entreprend des efforts considérables pour stabiliser sa monnaie, ce qui reflète essentiellement la volonté des autorités d’internationaliser le yuan et d’être moins dépendant des exportations en favorisant une économie plus tournée vers la consommation intérieure.

Pour juger de la véracité des reproches de l’administration américaine concernant le niveau du yuan, nous avons recours à deux mesures habituelles du taux de change. La première est celle du taux de change effectif réel qui tient compte de l’inflation relative entre les partenaires commerciaux. En se basant sur l’indice développé par J.P. Morgan, on note que la monnaie chinoise s’est appréciée plus que toutes les autres devises majeures depuis 2010, avec une hausse de près de 25% tandis que l’appréciation du dollar et de l’euro était plus limitée, respectivement de 10% et de 13%. Une seconde mesure consiste à utiliser la parité du pouvoir d’achat, comme le fait le FMI. Dans son dernier « External Sector report » publié en juillet 2018, l’organisation internationale confirme que le niveau du yuan est en ligne avec les fondamentaux de la Chine.

Même en pleine guerre commerciale, les autorités chinoises se sont abstenues de dévaluer leur monnaie. Au contraire, elles sont intervenues massivement pour en limiter la dépréciation. Elles ont retenu les enseignements de l’été 2015. Une dévaluation peut apporter un soutien économique à court terme mais nuit à long terme à la stabilité macroéconomique et se traduit par une fuite des capitaux. Ce sérieux monétaire, qui s’accompagne de mesures de contrôle des capitaux, est jusqu’à présent un succès : en dépit de la baisse de 6% du yuan depuis mai 2018 par rapport au panier de référence du CFETS*, la fuite des capitaux depuis le début d’année reste contenue. Elle a chuté significativement par rapport aux trois dernières années, et est deux fois inférieure à son niveau de 2017 sur la même période.

Un système monétaire multipolaire

Derrière la problématique de la guerre commerciale se cache un enjeu bien plus important, celui de l’hégémonie contestée du dollar américain au sein du Système Monétaire International (SMI). D’une certaine manière, c’est donc bien d’une guerre des devises dont il est réellement question entre Pékin et Washington. Depuis 2010, la Chine a milité en faveur d’une évolution du SMI afin de donner une plus grande place aux économies émergentes. Bien que le dollar reste l’étalon principal, il est désormais concurrencé par d’autres monnaies, singulièrement par le yuan.

Grâce à cette stratégie d’internationalisation, le yuan accède progressivement au statut de monnaie de réserve internationale et devrait, vraisemblablement, devenir prochainement la troisième monnaie la plus échangée dans le monde, derrière le dollar et l’euro, devant le yen. Cet essor est légitimement facteur de tensions et explique, au moins en partie, la stratégie de guerre commerciale de Washington.

*Panier de référence comprenant 24 monnaies et au sein duquel le dollar américain représente 22,4% du poids total.

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