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Zoom sur l’Afrique de l’Ouest – Planifier le changement

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16 juin 2020

Written by
Augustin Doittau

FX Corporate Dealer

Les pays d’Afrique de l’Ouest qui se sont traditionnellement appuyés le franc CFA, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, sont sur le point de prendre un tournant majeur après 75 ans d’histoire et de soutien français… mais est-ce véritablement un changement ?

Le franc CFA, créé en 1945 dans le cadre de l’héritage colonial français, était à l’origine associé au franc français. Puis il a été intégré à l’euro, lorsque la France est devenue membre de la zone euro. Les membres du franc CFA étaient tenus de conserver 50 % de leurs réserves de change auprès de la Banque de France pour maintenir l’ancrage du franc CFA à l’euro.
Les 8 états membres font partie de l’Union économique et monétaire ouest-africaine et de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ils se sont mis d’accord fin 2019 pour abandonner l’utilisation du franc CFA et le remplacer par une nouvelle devise : eco. L’eco conservera sa parité avec l’euro, qui est restée inchangée depuis 1994. Six autres pays, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, la République du Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon font partie de l’Union économique et monétaire d’Afrique centrale et utilisent également le franc CFA.

Les États membres de la CEDEAO représentent une population totale de plus de 130 millions de personnes. L’utilisation du franc CFA a permis à cette région de bénéficier d’une faible inflation et d’une faible volatilité par rapport aux autres pays africains. Le fond de réserve n’est pas le seul argument qui offre une stabilité à cette région d’Afrique. La France garantit également la convertibilité du franc CFA à un taux fixe et accepte de prêter à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest en cas de problème de liquidité. Toutefois, ces mesures de soutien ont un prix avec la représentation obligatoire du Trésor français au conseil d’administration de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. De plus le Trésor français a une contribution statutaire directe dans la politique monétaire alors qu’il est largement considérée comme non essentiel.

En janvier 2020, les pays du Nigeria, du Ghana, de la Gambie, du Liberia et de la Sierra Leone ont publié un communiqué condamnant la décision de l’UEMOA de renommer unilatéralement le franc CFA « eco » et demandant un report de l’adhésion de l’eco. Pour ces pays non-CFA, les critères de convergence entre états n’ont pas été atteints dans la majorité des pays et il n’est pas envisageable que le nom « eco » soit associé à une monnaie qui ne remplit pas les critères retenus par tous à Abuja en juin 2019.

Contrairement à leurs homologues anglophones d’Afrique, une grande partie de la demande en Afrique de l’Ouest est de nature interne. En 2019, les Nations unies prévoyaient une croissance du PIB de l’Afrique de l’Ouest de 3,6 % en 2020, mais c’était bien avant la crise du Covid-19 qui n’a, jusqu’à présent, pas affecté la région aussi fortement que dans le reste du monde. Cette prévision ne prenait également pas en compte la sortie du franc CFA et de la tutelle française. Ces perturbations peuvent certainement avoir un impact négatif, mais elles peuvent aussi favoriser une monnaie flottante qui, historiquement, encourage l’industrialisation et contribue à stimuler la production de biens manufacturés. La préoccupation plus générale concernant la hausse des taux d’intérêt et la volatilité des devises dans l’ensemble de l’Afrique du Nord et du Sud peut également inquiéter les banques centrales.

Ironiquement, la France a été un partisan du changement vers l’eco en Afrique de l’Ouest. Elle a fait pression afin que la région obtienne une indépendance monétaire complète et ainsi accorder certains droits fondamentaux tels que la réglementation des monnaies territoriales, l’évaluation des devises et le droit de produire des billets et des pièces. Cela est un peu surprenant car on a longtemps pensé que les dépôts au Trésor français de la CEDEAO étaient un facteur important dans le financement de la dette souveraine française.

Il est important de noter que la France va renoncer officiellement à sa représentation au sein des instances dirigeantes de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, les réserves ne seront plus nécessairement déposé auprès du Trésor français, cependant l’eco continuera à être arrimé à l’euro. La France continuera également à jouer son rôle de garant financier sous forme de ligne de crédit en cas de problème de liquidité. Le piège ? Ce dernier point permettra à la france de siéger à nouveau au Comité de politique monétaire de la zone, ce qui pourrait ré-équilibrer les pouvoirs et avoir un effet yo-yo.

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